Les recherches sur le couple OLIVER-MATAI ont commencé par l’encart bilingue suivant publié dans le « Messager de Tahiti » en avril 1872. Un couple visiblement en difficulté… A y regarder de plus près, l’histoire est assez compliquée. L’interprétation vigilante des sources est importante dans cette histoire.

Un mariage chaotique
Le 11 août 1870 à Papeete, Haamoura a MATAI épouse William Henry OLIVER. Elle a 16 ans et lui 35. Haamoura est une jeune femme tahitienne, née le 5 décembre 1854 à Pare (district de Papeete) . William Henry OLIVER est un citoyen anglais originaire d’Exeter (Grande-Bretagne), veuf et père de deux garçons issus d’une 1ère union avec Mary Ann DOUST. Henry né le 6 janvier 1854 (Devonshire) et Hore Thomas né le 30 août 1855 né à Bovey Tracey (Devonshire). Les deux fils aident leur père dans son commerce.

L’époux est un citoyen anglais d’où la présence de M. BARFF interprète assermenté de 1ère classe en langue anglaise. On peut imaginer qu’à la différence d’âge des deux conjoints s’ajoute une différence de culture et une difficulté de communication. Quelle est leur langue commune ? probablement un peu d’anglais, de tahitien et de français.
Les témoins présents ne sont pas apparentés aux époux. Il s’agit de commerçants installés dans la ville de Papeete.
1- Baptiste ARTIGUES, débitant âgé de 32 ans, 2- Michel AGAISSE, débitant âgé de 58 ans, 3- Michaël DELANO, planteur âgé de 52 ans, 4- Thomas STODDARD, peintre âgé de 42 ans.
William Henry OLIVER … commerçant à Papeete
Quelques mois avant son mariage, William Henry OLIVER s’installe comme commerçant à la suite de William DEXTER, un négociant américain « ayant l’intention d’arrêter ses affaires commerciales par suite de son départ prochain de la colonie« . Il faut prendre avec précaution cette formulation car William DEXTER n’a pas quitté Tahiti. Sans doute s’agit-il d’une formulation convenue et on verra par la suite qu’elle ne sera pas sans conséquence sur certaines interprétations.

Après le mariage, en septembre 1871, Roau a MATAI donne à sa fille Haamoura a MATAI épouse OLIVER, une partie de la terre Tupaihueroro (En Polynésie, chaque parcelle de terre porte un nom) avec les bâtiments qui s’y trouve édifiés. La dite portion de terre est située dans la ville de Papeete au coin des rues de la Petite-Pologne et du Marché… à proximité du magasin de William OLIVER.
S’agit-il d’une forme de dot ? William Henry OLIVER a-t-il agi par intérêt ? une façon pour Roau a MATAI d’installer sa fille dans le monde des commerçants … Ce sont des hypothèses possibles.
Cette terre Tupaihueroro, idéalement situé dans le centre de la capitale, est vendue par portion depuis l’année 1863 jusqu’en 1872 à quelques commerçants, François GARBET, STODDARD peintre (témoin du mariage OLIVER pour rappel), James CLARK, William F. WALKER ou notables Eliza GIBSON, Charles GUILLASSE chirurgien.
De son côté, William Oliver achète des terres du côté de Tiarei (Terres Ninau, Tahoroa, Haapuahonu…) à la même époque.
1872… le couple OLIVER bat de l’aile
L’avis publié par William Henry OLIVER publié en avril 1872, ne peut pas être plus explicite… sa jeune épouse a quitté « sans cause, ni raison » (d’après lui) le domicile conjugal. Est-ce cette fuite de son épouse, qui le pousse à vouloir quitter la colonie ?

On l’a vu précédemment, l’annonce de « l’intention de quitter la colonie » n’est pas toujours suivie d’effets. C’est aussi le cas pour William Henry OLIVER, on pourra le démontrer par la suite. Cependant, cette annonce a entraîné quelques interprétations erronées. Dans son ouvrage « Tahitiens » (Recueil de notices biographiques que je compulse régulièrement), Patrick O’REILLY en déduit que les enfants OLIVER qui naîtront tous après 1872 ne sont pas légitimes.
« Officiellement (Eugène OLIVER) fils d’un anglais W. H. OLIVER et de Haamoura a Purau (?), serait en fait le fils d’un colon des Marquises nommé GATÉ. W. H. OLIVER étant reparti dans son pays bien avant sa naissance à Papeete en 1876 ».
Voici quelques éléments qui attestent que William Henry OLIVER n’a pas quitté Tahiti en 1872. A travers, le Messager de Tahiti, journal de la colonie de l’époque, on trouve quelques traces de W. OLIVER. En 1878, il se met à la recherche d’une personne active et intelligente pour s’occuper de son ménage. Cette offre d’emploi semble accréditer le fait que son épouse n’a pas réintégré le foyer.
Le 19 novembre 1880, son fils Hore Thomas décède à l’âge de 22 ans. En 1881, il obtient une concession à perpétuité de 12 m2 dans le cimetière de Papeete et enfin on trouve sa signature sur l’acte de décès de son fils « anglais » Henry OLIVER le 3 septembre 1882.
Les enfants OLIVER
Officiellement, l’Etat-Civil de Papeete recense les actes de naissance de 4 enfants déclarés OLIVER. Particularité intrigante dans le contexte de ce couple, William Henry OLIVER n’est présent dans aucun des actes de naissances (pas de signature).
Entre 1876 et 1883 …. pas d’enfants officiels pour le couple OLIVER. Mais d’après Patrick O’REILLY dans son ouvrage Tahitiens avance l’élément suivant :
« Avant son mariage (en 1885), John BAMBRIDGE reconnaît trois enfants naturels issus de son union avec une femme de Paea, Hoemoorua (?) OLIVER »
La naissance de Teriimana James OLIVER le 21 juillet 1884 au domicile de James BAMBRIDGE confirme les relations entre Haamoura OLIVER et James (John ? ) BAMBRIDGE.
Le visuel suivant résume la vie du couple OLIVER-MATAI

Que devient William Henry OLIVER ?
En novembre 1884, W.H. OLIVER ouvre le Cosmopolitan Hotel à Pirae où il propose des alcools et du tabac.

On ignore qui élève les enfants OLIVER après le décès de leur mère en 1884. O’REILLY écrit que Eugène OLIVER « aurait été élevé par le notaire Gustave VINCENT« . En tout cas, W. H. OLIVER ne s’en occupe pas. Lors du mariage de ses enfants, il est domicilié à Rarotonga aux iles COOK en 1890 … puis, les années passant, il est dit « sans domicile connu » vers 1903-1905. Il reste à vérifier sa date de décès … en 1912 à Papeete
En conclusion, l’histoire du couple OLIVER-MATAI nous plonge dans la société multiculturelle polynésienne où l’on côtoie les commerçants d’origine étrangère et les Polynésiens, propriétaires des terres. Sujet hautement polémique que la vente des terres aux étrangers mais qui ne date pas d’hier. Les unions mixtes pas toujours heureuses car parfois trop décalées par l’âge, la culture, la langue…
Compléments d’information
Voici quelques photos, issues de la base de données de Allegra MARSHALL, qui concernent la famille OLIVER (Cimetière d l’Uranie et de Taravao)





Sources
ANOM : AM OLIVER-MATAI Papeete 1870 v. 15-16- AD Haamoura a MATAI (OLIVER) Papeete 1884 v. 29- AN Teriimana OLIVER Papeete v. 29- AD Thomas OLIVER Papeete 1880 v. 51- AD Henry OLIVER Papeete 1882 v. 31- AN Amélie Tearati OLIVER Papeete 1874 v. 21- AN Eugène Marurai OLIVER Papeete 1875 v. 18- AN Esther OLIVER Papeete 1883 v. 8- AM BORDES-OLIVER Afaahiti 1890 v. 7- AM OLIVER-BORDES Afaahiti v. 11- AM REY-OLIVER Papeete 1903 v. 72-73- AM OLIVER VAIAFATA Mataiea 1904 v. 28
Messager de Tahiti : 19 février 1870 (Départ DEXTER) – 27 avril 1872 (Départ Haamoura)- 6 juillet 1872 (Départ de OLIVER)- 1er février 1878 (Recherche d’une personne pour ménage)- 30 septembre 1871 (Achat terre Tiarei)- 6 janvier 1872 (Achat de terre Tiarei)- 9 décembre 1871 (Achat terre Tiarei)- 18 janvier 1883 (Location Ets OLIVER)- 23 septembre 1871 (Don terre à Haamoura)- 11 mars 1881 (concession cimetière)- 25 mai 1867 (vente terre Tupaihueroro)- 26 octobre 1867 (vente terre Tupaihueroro)- 15 juin 1872 (vente terre Tupaihueroro)- 29 août 1873 (Affaire GUILLASSE-MATAI)- 30 décembre 1871 (vente terre Tupaihueroro)- 13 mars 1869 (ROAU a MATAI protestant)- 3 octobre 1863 (vente terre Tupaihueroro)- 16 septembre 1871 (vente terre Tupaihueroro)
O’Reilly (Patrick)– Tahitiens – BSEO, 1975. Notice Eugène OLIVER p. 418- Notice John BAMBRIDGE p. 32
J’aime beaucoup vos articles Véronique, ils sont toujours très documentés … Quel travail !!!
J’aimeAimé par 1 personne
bonsoir j’aurais souhaité avoir une trame sur la descendance de William Viriamu Gooding né en 1797 au USA .Il serait décédé en décembre 1872 à Tubuai
J’aimeJ’aime
Ia ora na Rosalie. Je n’ai pas trouvé de traces sur William Gooding. Avez-vous un peu plus d’informations à son sujet ?
J’aimeJ’aime