La famille de Charles SÜE est peu conventionnelle. Les origines et la vie de sa mère Eglée SÜE sont riches d’événements. Quant à sa compagne tahitienne Mahana a TEHORO, plusieurs pistes restent à éclaircir.
Voici l’histoire de Charles SÜE jeune marin qui participe aux combats de la guerre franco-tahitienne en 1844-1847, qui lui vaudront la nomination à la Légion d’honneur. Après sa période militaire, il s’installe à Tahiti et poursuit une carrière dans l’administration. Il aura deux fils de sa compagne tahitienne.
La vie tumultueuse de Eglée SÜE, la mère de Charles SÜE
Eglée SÜE est la fille naturelle de Fulcrand SÜE et de Laurence ALLEGRET. Le couple non marié a plusieurs enfants mais seule Eglée SÜE survit. Elle est née le 17 novembre 1796 à Montpellier où son père est négociant. Elle ne le connaîtra pas vraiment puisqu’il décède le 26 juin 1798 à Buzignargues près de Montpellier.

Signature de Fulcrand SÜE
Au décès de son père, elle est sa seule héritière mais sa position de fille « naturelle » va être l’objet d’un procès près la cour d’appel de Montpellier en 1803 entre elle et les frères et sœurs de son père.

En 1813, la jeune Eglée SÜE âgée de 17 ans a projet de se marier avec Antoine Pascal BANCAL, un chirurgien militaire de 25 ans. Les bans sont publiés à Montpellier et à Saint-Martin-de-Londres (Hérault). Pour des raisons inconnues, le mariage n’a pas eu lieu. Antoine Pascal BANCAL se marie quelques années plus tard le 14 août 1821avec Virginie BANCAL à Bordeaux (Gironde) au moment même où Eglée SÜE met au monde son fils Charles SÜE.
Le 5 octobre 1821 à Montpellier, Eglée SÜE accouche d’un enfant qu’elle prénomme Théodore « Charles » Louis SÜE. L’enfant est dit « né de père inconnu ».
Dans les années qui suivent Eglée SÜE, toujours non mariée met au monde deux enfants à Montpellier :
- Toussaint Gabriel LOPPÉ né le 2 juillet 1825, fils naturel de Samuel Etienne LOPPÉ, capitaine du génie en garnison à Toulon et de « mère inconnue ».
- Eglé Sophie Arnica SÜE née le 5 mars 1832, fille naturelle de Eglée SÜE et de « père inconnu ». Ces deux enfants seront reconnus lors du mariage de leurs parents en 1844.
Début janvier 1844, son fils Charles SÜE arrive à Tahiti à bord du Phaéton.
Eglée SÜE épouse le 18 septembre 1844 à Embrun (Hautes-Alpes), Samuel Etienne LOPPÉ, né à Alençon (Orne) le 8 juin 1791, chef de bataillon du génie, Chevalier de la Légion d’Honneur, domicilié à Embrun.

Signature de Eglée SÜE
Le couple s’installe à Dijon vers 1847 où elle devient veuve.
Elle décède le 18 juin 1852 à Paris (3e arrondissement) à l’âge de 54 ans.
Gabriel LOPPÉ, le demi-frère artiste
Gabriel LOPPÉ est le demi-frère de Charles SÜE. Passionné par la montagne et alpiniste chevronné, Gabriel LOPPÉ est un artiste peintre reconnu de la montagne et des Alpes en particulier. Pour la petite anecdote, il compte parmi ses amis, Gabriel de MORTILLET, directeur du Musée d’Histoire naturelle de Saint-Germain en Laye et ascendant de ma généalogie familiale. Dans les sources, vous retrouverez des références pour en savoir plus sur Gabriel LOPPÉ.


La carrière de Charles SÜE à Tahiti
Charles SÜE arrive à Tahiti le 12 janvier 1844 sur la frégate à vapeur Phaéton comme second maître fourrier. Il participe à plusieurs combats de la guerre franco-tahitienne, et particulièrement à celui de Mahaena, à la suite duquel il est nommé dans la Légion d’honneur. Il est démobilisé en 1847. Il s’établit alors définitivement à Tahiti et poursuit une carrière administrative dans la marine militaire jusqu’à sa retraite en 1867. Il participe activement à la vie économique et politique de la colonie : juge suppléant au tribunal de Papeete en 1855, aide-commissaire de la marine remplissant les fonctions d’officier d’Etat-Civil à Papeete en 1856, conseiller à la Cour impériale des îles de la Société en 1859, président du Comité consultatif de commerce et d’agriculture en 1863.

Signature de Charles SÜE
La famille de Charles SÜE
En août 1859, il acquiert une propriété de 4 hectares à l’entrée de la vallée de Hamuta et le long de la rivière pour la somme 18.711 Fr. La partie au bord de la rivière est en prairie alors que le reste est consacré à diverses productions (café, tarodière, arbres fruitiers…). La propriété compte 4 maisons d’habitation et des cases » de style indien ». Il élève un troupeau de moutons mérinos, des porcs, des oies, des dindes et des poules dites japonaises. « M. SUE a toujours mis le plus grand soin à introduire ici, même à prix très élevé, des espèces nouvelles ».
Le 30 mai 1869, resté seul chez lui, tombe et s’entaille profondément la cuisse sur une dame-jeanne (grosse bonbonne en verre). Il finit par se vider de son sang et ne survit pas malgré les soins prodigués à l’hôpital. Il est alors âgé de 48 ans.
« C’était un de ces hommes qui, s’ils sont négligés par cette grande coquette- la Fortune- ont du moins l’avantage de n’offrir aucune prise à l’envie » … autre façon de dire que Charles SÜE ne roulait pas sur l’or.
Sa compagne Mahana a TEHORO, fille de Tehoro a TEUPOOAHA et de Haoateata a OPURAINO a plusieurs enfants dont deux sont attribués à Charles SÜE (Léon et Eugène). Elle est née à Pare en 1830. Elle décède le 21 décembre 1895 à Papeete dans « la maison de sa soeur Aline Teraiatua« . C’est son fils Teupooaha a MAHANA et son gendre Paul BERNIERE qui déclarent le décès.
- Pirera Gabriel a MAHANA a TEHORO
- Teraiatua Aline a MAHANA. Née à Pare le 11 septembre 1859. Elle est dite célibataire à son décès le 25 mars 1903 à Papeete. Son acte de décès mentionne qu’elle est née de « père inconnu«
- Teupooaha Léon a MAHANA dit SÜE. Né vers 1863. Il devient interprète du gouvernement en langue tahitienne. Il signe régulièrement « Teupooaha Mahana » ou « Teupoo Mahana Sue ». Il vit avec Vahinetua a APA, née le 10 mai 1879 à Pare. Le couple a deux enfants : Aline Taruia Tetuaiteroi a MAHANA dit SUE née le 22 octobre 1905 à Papeete, décédée le 26 novembre 1959 à Papeete. Un fils nommé Charles Mohai Hiram né le 30 avril 1909 à Papeete, décédé sans postérité le 21 décembre 1956 à Papeete.
Une nécrologie du BSEO, rend hommage à Roland SUE, le fils de Aline Taruia, pour son travail sur la langue tahitienne comme interprète et membre de l’Académie Tahitienne.

Signature de Teupooaha Léon a MAHANA dit SÜE
- Rahi Teriimana Eugène a MAHANA dit SÜE. Né vers 1865
- Aumai a MAHANA. Né en 1874. Elle épouse Charles Paul BERNIÈRE.
Les deux frères SÜE connaîtront peu leur père. Ils poursuivent de bonnes études et reçoivent régulièrement prix et mentions. Léon SÜE fait partie de la délégation qui se rend à Rurutu en 1900 pour prendre possession de l’île Rurutu et de ses dépendances par la France.
Des sources sur internet attribuent d’autres enfants à Mahana a TEHORO mais pour l’instant pas de documents pour valider ces hypothèses :
Tehoro a MAHANA aurait eu un fils Donat François Rimarau a MAHANA (1848-1923) avec le contre amiral Sylvain Théophile CAROF (1824-1915), lui aussi arrivé sur le Phaéton comme Charles SÜE.
On peut ajouter aussi Tau et Taiahu parmi ces potentiels enfants.
Sources
ANOM : AD Charles SÜE 1869 Papeete v. 29- AD Teraiatua Aline a MAHANA 1903 Papeete v. 96- AD Mahana a TEHORO 1895 Papeete v. 82
Archives de l’Hérault : AN Charles SÜE Montpellier 1821 v. 216/323- AD Adolphe SÜE Montpellier 1795 v. 10/192- AN Eglée SÜE Montpellier An 5 v. 20/175. AD Laurence ALLEGRET 1833 Montpellier v. 6/278 acte 17- Acte de reconnaissance Eglée SÜE 1798 Montpellier v. 150/197- Bans BANCAL-SÜE 1813 Montpellier v.34/70, 1813 Saint-Martin-de-Londres v. 58/256 – Retranscription AD Pascal BANCAL 1858 Saint-Martin-de-Londres v. 222/343 acte 15- AN Gabriel LOPPÉ 1825 Montpellier v. 172/374 acte 625- AN Eglé Sophie SÜE (reconnue LOPPÉ) 1832 Montpellier v. 69/370 acte 263-
Archives de la Gironde : AM Pascal BANCAL-Virginie BANCAL 1821 Bordeaux v. 131/189 acte 280- AD Virginie BANCAL 1822 Bordeaux retranscription v. 74/140 acte 864
Archives de la Côte d’Or : Retranscription AD Eglée SÜE 1853 Dijon v . 791/813 acte 827 VI-
Messager de Tahiti : 18 mai 1882 (vente de terres Mahana a TEHORO)- 4 juin 1880 (vente de terres Mahana a OPURAINO)- 27 août 1875 (prix scolaires frères Süe)- 20 mars 1869 (enfants de Mahana a TEHORO) – 5 juin 1869 (Nécrologie de Charles Süe)
Rapport fait à M. le Commandant commissaire impérial par la commission d’inspection des cultures. Etat des cultures en 1865 – propriétaire n° 22 SUE
Journal Officiel des EFO : 30 août 1900 (Léon SÜE à Rurutu pour l’annexion)- 21 septembre 1899 (promotion de Léon SÜE)
Informations sur Gabriel LOPPÉ : Wikipédia – et sur Gallica : article « la vie mouvementée de Gabriel LOPPÉ » par SUM, La Montagne : revue mensuelle du club alpin français, janvier 1934, p. 313 – article « Gabriel LOPPÉ, peintre alpestre », La Montagne et Alpinisme, 1er décembre 2013 – Annales de la Société des sciences naturelles de la Charente-Maritime. 1er juin 2010
Gallica – Sur l’affaire d’héritage de Eglée SÜE : Journal du Palais : recueil le plus ancien et le plus complet de la jurisprudence française. Tome 3 (15 Thermidor an XI), p. 399
Site de Olivier SUE : https://genealogiehuriaau.weebly.com
Bulletin Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes (BSEO)- n°284, février 2000- Nécrologie de Roland SUE
Bonus
Le prénom Eglé ou Eglée est d’origine arabe et latine et signifie « Nom de fleur à épines ». C’est un prénom très peu porté.
Le lien avec Eugène SÜE : l’article de Wikipedia sur Gabriel LOPPÉ indique que sa mère Eglée SÜE serait la cousine de l’écrivain Eugène SÜE. L’affaire reste à vérifier.